Au lendemain de la seconde édition de la Journée Internationale de la Langue Soninké, tenue à Kindia, Ibrahima Manda Doukouré, écrivain et analyste socio-économique, revient sur l’importance de préserver et de promouvoir cette langue séculaire. Dans un entretien exclusif, il livre une réflexion profonde sur le rôle fondamental de la langue Soninké dans le maintien des liens culturels et identitaires des communautés qui la parlent.
Le Soninké, l’une des langues les plus anciennes de l’Afrique de l’Ouest, a plus de mille ans d’histoire. Ibrahima Manda Doukouré rappelle que cette langue est intimement liée à l’histoire du premier grand empire ouest-africain, l’Empire du Ghana. Selon lui, « la langue Soninké fait partie intégrante de notre patrimoine, de notre identité. Elle n’est pas simplement un moyen de communication, elle est un véhicule de notre histoire, de nos valeurs et de notre culture ».
Les communautés Soninké, Sarakolés et Marakas, partageant des racines communes, ont vu leur héritage culturel se perpétuer à travers les générations grâce à cette langue. Cette transmission a toutefois été mise à l’épreuve par l’évolution des sociétés modernes, les migrations et la mondialisation.
L’un des défis majeurs reste la transmission du Soninké aux jeunes générations. Ibrahima Manda Doukouré souligne le rôle primordial des femmes dans ce processus : « Les femmes sont souvent les premières éducatrices de nos enfants. Elles ont un rôle déterminant dans l’apprentissage de la langue dès le plus jeune âge », affirme-t-il. Cette idée rejoint la conviction de nombreux linguistes selon lesquels l’apprentissage d’une langue maternelle dès l’enfance est essentiel pour maintenir une identité culturelle forte.
Dans cette optique, il propose d’intégrer la langue Soninké dans les systèmes éducatifs, même de manière optionnelle. Pour lui, l’enseignement de la langue nationale ne doit pas être perçu comme un obstacle à l’apprentissage des langues internationales : « Au contraire, c’est un atout pour une meilleure compréhension de notre patrimoine et une ouverture sur le monde », explique-t-il.
Ibrahima Manda Doukouré met également en lumière le rôle grandissant de la diaspora Soninké, notamment dans les pays d’Afrique de l’Ouest, mais aussi dans des pays lointains comme les États-Unis ou la France. La diaspora joue un rôle clé dans la préservation de la langue et de la culture Soninké, en créant des espaces de rencontre et de réflexion sur les moyens de maintenir vivante cette langue.
L’exemple d’une école secondaire du Bronx, à New York, qui a récemment introduit l’enseignement du Soninké, montre que cette dynamique peut également toucher des zones géographiques éloignées : « Cela montre qu’il n’est jamais trop tard pour commencer à promouvoir notre langue. L’essentiel est de poser la première pierre et d’encourager les autres à suivre », précise-t-il
La Journée Internationale de la Langue Soninké, dont la seconde édition a été un franc succès à Kindia, ne se limite pas à célébrer une langue. Elle constitue un véritable catalyseur pour la valorisation de la culture Soninké et de l’unité des communautés : « Le nom même de cette journée porte un message fort. Il va bien au-delà de la simple célébration linguistique : il s’agit de mettre en avant notre héritage culturel commun et de renforcer les liens entre toutes les communautés de Guinée, et au-delà », insiste Ibrahima Manda Doukouré.
Il souligne que cet événement a non seulement réuni les communautés Soninké, mais a aussi favorisé la cohésion sociale, en attirant l’attention de divers groupes ethniques et en mettant l’accent sur la solidarité nationale. Cette journée a ainsi renforcé l’idée que l’unité et la compréhension mutuelle sont les clefs d’un avenir meilleur pour tous.
Pour Ibrahima Manda Doukouré, la préservation de la langue Soninké ne doit pas être un acte isolé : « Il est impératif que nous continuions à avancer sur cette voie, à encourager les jeunes générations à apprendre et maîtriser la langue de leurs ancêtres. En même temps, il est tout aussi important de connaître et de respecter les langues des autres communautés », déclare-t-il.
Il conclut son entretien par un appel à l’unité et à la collaboration : « Plus nous nous comprenons, plus nous faisons confiance les uns aux autres. C’est ainsi que nous renforcerons notre cohésion et que nous pourrons bâtir une nation plus unie et prospère. »
Ainsi, l’engagement pour la langue Soninké dépasse le simple cadre linguistique. Il s’agit d’une véritable démarche culturelle, éducative et sociale qui vise à renforcer les liens entre les peuples et à préserver un patrimoine ancestral pour les générations futures.
Par Lansana Fofana






