dimanche, novembre 9, 2025
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Thiaroye : le Sénégal fouille sa mémoire pour déterrer la vérité sur le massacre de 1944

Plus de 80 ans après l’un des épisodes les plus sombres de la colonisation française en Afrique, le Sénégal entame une quête historique de vérité. Depuis une dizaine de jours, des fouilles archéologiques ont débuté à Thiaroye, en banlieue de Dakar, sur les traces des tirailleurs africains massacrés le 1er décembre 1944 par l’armée française. Ces soldats, majoritairement originaires d’Afrique de l’Ouest, réclamaient pacifiquement leurs primes de démobilisation après avoir combattu pour la France lors de la Seconde Guerre mondiale.

L’initiative, annoncée par le Premier ministre Ousmane Sonko le 19 février 2025, vise à identifier de potentielles fosses communes et à déterminer enfin le nombre réel de victimes, longtemps occulté ou minimisé par les récits officiels.

Les opérations sont menées par une équipe d’archéologues de l’Université Cheikh Anta Diop, en collaboration avec l’armée sénégalaise. Elles se concentrent sur deux zones clés : le cimetière militaire de Thiaroye et le site de l’ancien camp militaire. Les chercheurs cherchent à confirmer si des squelettes de tirailleurs y ont effectivement été enterrés et si certaines tombes, aujourd’hui visibles, ne sont en réalité que des symboles vides.

Alors que les archives militaires françaises évoquent 35 morts, plusieurs historiens africains et européens estiment que le bilan réel dépasserait les 350 victimes. Ce décalage abyssal entre la version officielle et les travaux historiques nourrit, depuis des décennies, un profond sentiment d’injustice et de mépris de la mémoire africaine.

« L’enjeu est de taille. Il ne s’agit pas seulement de faire parler la terre, mais de réparer une blessure historique », affirme Mamadou Diouf, président du comité scientifique chargé du projet.

Aucune limite de temps n’a été imposée pour cette opération. Un livre blanc confidentiel sera remis dans les prochaines semaines au président de la République du Sénégal. Ce document, selon Mamadou Diouf, devra répondre à trois interrogations essentielles :

  1. Que s’est-il réellement passé à Thiaroye ?
  2. Quelles zones d’ombre subsistent encore ?
  3. Que faut-il entreprendre pour que justice soit pleinement rendue à ces anciens combattants ?

Cette initiative, saluée par les défenseurs de la mémoire africaine, est aussi un appel aux autorités françaises à reconnaître pleinement la responsabilité de l’État colonial dans cette tragédie longtemps étouffée.

Le Sénégal, en exhumant symboliquement et littéralement les vérités de Thiaroye, pose un acte de souveraineté mémorielle. Ce geste fort pourrait ouvrir la voie à d’autres enquêtes similaires à travers l’Afrique, là où les cicatrices de la colonisation n’ont jamais vraiment guéri.

L’histoire ne s’efface pas sous la poussière du temps : parfois, il faut creuser pour retrouver la justice.

 

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